atelier 1 - 10h00-12h30
Atelier 1 : L’énergie au service du projet, vers une production de bâtiments efficaces
animateurs :
. Guillaume Renault - ICE ingénierie/nunc ingénierie
. Camille Bouchon - Solares Bauen/nunc ingénierie
. Fréderic Jan - Hinoki/nunc ingénierie
. Thomas Primault - Hinoki/nunc ingénierie
. Romain Fevre - EPCO/nunc ingénierie
invités :
. Guillaume Verdet - économiste - GEC Rhône Alpes
nunc a toujours pris à cœur le sujet de l’énergie. Cela a conduit à la création de nunc+, bureau d’étude thermique, environnemental et fluide. Ce BET intégré a travaillé notamment en recherche et développement sur le sujet. Compte tenu de la séparation géographique, nunc+ s’est aujourd’hui transformé en un groupement : nunc ingénierie. Il est constitué de 4 bureaux d’étude : ICE ingénierie, Solares Bauen, Hinoki et EPCO.
Ce sont les gérants de ces quatre bureaux d’études qui ont animé ce premier atelier. Parce que l’énergie est un sujet éminemment sérieux aujourd’hui, cette intervention prendra la forme d’un jeu ,
le nunc uizz .
L’audience est divisée en quatre équipes, qui se mesureront aux questions d’un quizz autour de 5 thèmes : dérèglement, efficacité, enveloppe, fluide et confort.
4 équipes ont été créées :
> Equipe entropie (état d’un système thermodynamique) ;
> Equipe condensation ;
> Equipe canicule ;
> Equipe bioclimatisme.
I/ Dérèglement
/ Quelle température chaude devient mortelle pour l’être humain et pourquoi ?
35 degrés Celsius à 100% d’Humidité relative sont mortels, si bien que l’humain n’arrive plus à dissiper sa chaleur pour se refroidir. Cette Température a été atteinte très peu de temps au Pakistan cette année.
/ Quel est l’impact financier du réchauffement climatique à l’échelle mondiale ?
Il atteint 120 milliard d’euros.
/ Quelle est la part d’émission de CO2 du secteur du bâtiment en France en 2020 ?
Elles représentent 23% des émissions de CO2 de la France en 2020.
/ Qui est le mieux placé pour réaliser des Analyses du cycle de vie ?
Cette question prête à débat. Aujourd’hui, ce sont les thermiciens qui ont été investis de ce rôle. Mais l’économiste paraît également bien placé, étant celui qui maîtrise le mieux les produits mis en œuvre et leurs quantités.
Si la réalisation d’une ACV précise semble effectivement devoir être gérée par les BET et/oul’économiste, l’architecte a également un rôle primordial à jouer dans la réalisation d’une analyse de cycle de vie. Pour que la question de l’impact environnemental fasse partie intégrante du processus de conception d’un bâtiment, il faut veiller au maintien d’un vrai dialogue avec l’architecte qui décide des matériaux mis en œuvre et des systèmes constructifs.
Ces débats mettent en avant la nécessité de repenser les missions de maîtrise d’œuvre à la lumière des nouveaux enjeux/missions environnementales.
II/ Efficacité
/ Quel est le poste principal de consommation énergétique pour un bâtiment de logement construit en 1976 de plus de 1000m2, sans rénovation ?
La part chauffage est de 75 à 80% de la consommation énergétique d’un bâtiment de logement construit dans les années 70.
/ Quel est le poste principal de consommation énergétique pour le même projet rénové au standard passif ?
Les usages spécifiques (box internet, électroménager, électronique …) deviennent les principaux postes de consommation énergétique.
/ Qu’est-ce qu’un bâtiment efficace ?
Un bâtiment efficace est un bâtiment qui consomme peu d’énergie, peu importe les moyens financiers que l’on y met.
/ Classer par importance décroissante les différentes mesures intervenant dans la conception d’un bâtiment bioclimatique, dans le but d’atteindre l’efficacité énergétique.
1. Orientation ;
2. Compacité ;
3. Apports solaires ;
4. Performance thermique des parois ;
5. Ponts thermiques ;
6. Etanchéité à l’air ;
7. Efficacité des systèmes ;
8. Energies renouvelables.
Ce classement divise : tous ces points n’ont-ils pas une importance équivalente ? A quoi bon créer une paroi très performante thermiquement si l’étanchéité à l’air est mauvaise ? Cela dépend également de l’endroit où l’on construit : parfois, on a intérêt à ce que le bâtiment ne soit pas trop compact pour faciliter le rafraichissement, notamment par ventilation naturelle.
/ La compacité intervient dans la performance. Classer par performance décroissante la compacité de 4 formes bâties suivantes : cube, tour, demi-sphère, suppositoire.
1. demi-sphère
2. cube
3. suppositoire
4. tour
En vérité, cela dépend de la manière de calculer, à volume égal, et de la prise en compte ou non de la surface au sol.
/ Quels sont les 3 premiers postes de consommation énergétique d’un collège avec restauration ?
Après instrumentation, la restauration est de loin le poste le plus consommateur dans un contexte de collège de niveau passif. Or, elle demeure hors-réglementation. Pour être vraiment efficace, il faut aller bien au-delà de la réglementation et travailler avec des techniciens/cuisinistes sur le sujet.
/ Dans un bâtiment passif, quelle est l’énergie la plus consommatrice pour le besoin de chauffage : Electricité, gaz, fioul, hydrogène, bois, solaire thermique et charbon ?
Il s’agit d’une question piège, car il est question ici d’énergie finale. Or le niveau passif implique une consommation de 15 KWh/(m2.an) d’énergie finale, peu importe la source de l’énergie. Si l’on s’intéresse à l’énergie primaire, l’électricité serait très dévalorisée par exemple. La récupération d’énergie par l’hydrogène nécessite, aujourd’ui, cinq fois plus d’énergie primaire que l’électricité.
/ Quelle est l’émission annuelle en kgCO2/m2 d’un bâtiment passif tous usages confondus à + ou - 1kg/m2 ? En solution chauffage électrique dans le respect de la réglementation ? En solution chauffage gaz ?
Suivant le système de chauffage, l’émission oscille entre 7 et 10kgCO2/(m2.an).
/ Pour un logement de 100m2 passif, quel % cela représente pour un français moyen en 2020 et 2050 (émission de carbone constante pour chaque énergie) ?
L’émission d’un français est aujourd’hui d’environ 9tCO2/(m2.an). L’objectif est d’atteindre 2tCO2/(m2.an) en 2050.
Le chauffage d’un logement passif représente entre 9 et 13 % des émissions en 2020 et représentera entre 36 et 52% en 2050.
Même pour un bâtiment passif, la part du logement est donc non négligeable. Bien sûr, plus le nombre d’habitants dans le logement est important, plus cette part baisse.
/ De quel équivalent homme dispose un français moyen pour vivre chaque jour pendant un an ?
Un français moyen dispose de l’équivalent de 600 hommes chaque jour pour vivre !
/ Quels sont les critères pour une labélisation passive ?
. Besoins de chauffage < 15 KWh/(m2.an)
. Temps de surchauffe sur un an (>25°C) < 10 %
. Etanchéité de l’enveloppe n50 < 0,6 h-1
. Consommation en énergie primaire Cep < 120 kWhep/(m2.an)
III/ Enveloppe
/ Pour un projet de bâtiment passif, de quelle épaisseur doit être dessiné un mur en phase concours ?
Il doit être dessiné à 50cm peu importe le type de structure et l’isolant.
/ Quelle démarche est à mettre en place dans un projet pour garantir le traitement de l’étanchéité à l’air de l’enveloppe ?
En conception, il est préconisé de dessiner un trait rouge continu sur les documents, avec représentation des points singuliers de traitement et définition des limites de prestation. Cela implique également un suivi de chantier rigoureux avec test en milieu de chantier (réception de l’enveloppe) et en fin de chantier.
/ Au sujet de l’étanchéité à l’air des bâtiments, quels sont les 2 postes responsables de plus de 80% des défauts d’étanchéité ?
Il s’agit de la liaison menuiseries / murs, mais également des incorporations électriques et fluides.
/ Les ponts thermiques peuvent-ils dans certains cas être bénéfiques pour le bâtiment ?
Ils peuvent ponctuellement être tolérés : pour des raisons économiques, esthétiques, patrimoniales ou d’accessibilité PMR… Néanmoins d’un point de vue énergétique, ils ne sont jamais positifs. Les ponts thermiques peuvent représenter jusqu’à 30% des déperditions d’un bâtiment.
/ 1 m2 de triple vitrage produit autant de déperditions thermiques que …m2 de parois opaques.
1 m2 de triple vitrage produit autant de déperditions thermiques que 6 à 7 m2 de paroi opaque.
IV/ Fluide
/ Quel est le contexte favorable de mise en œuvre d’un système de ventilation naturelle ?
. Intermittence de certains des usages ;
. Forme adéquate favorisant le tirage thermique ;
. Rapport favorable de surface entrée/sortie de l’air ;
. Différentiel de hauteur.
/ Dans quelle mesure les panneaux solaires thermiques ne sont-ils plus retenus comme solution d’énergie renouvelable en logement ?
. Pénurie de cuivre ;
. Plus coûteux et rapporte moins que le photovoltaïque ;
. Nécessite une surveillance de l’installation, or la maintenance fait souvent défaut. Il y a un problème de compétence.
Ce système fonctionne pourtant très bien en logement, à condition d’être bien dimensionné. C’est une solution qui a un très bon rendement pour la production d’eau chaude malgré une contrainte de saisonnalité, puisque le système produit beaucoup en été.
V/ Confort
/ Comment améliorer le confort d’hiver d’un bâtiment sans augmenter la température intérieure et sans agir sur le bâti ?
La seule solution reste de s’habiller plus chaudement !
/ A quoi sert l’inertie dans un bâtiment pour le confort estival ?
L’inertie sert à stocker les apports solaires en hiver et à déphaser l’onde de chaleur en été.
Il reste difficile de gérer l’acoustique en privilégiant l’inertie d’un bâtiment. En effet l’inertie est liée à la masse des matériaux utilisés. Pour que l’inertie joue son rôle, la masse doit être mise en contact direct avec l’ambiance.
En charpente bois, on peut également s’intéresser à la masse des matériaux mis en œuvre, afin de privilégier le déphasage. Par exemple, une laine de bois peut être plus ou moins massive.
L’équipe "canicule" sort victorieuse du jeu.
atelier 2 - 14h00-16h30
Regards croisés sur la ventilation naturelle
invités
- Mathieu Le Bourhis - Switch ingénierie
- Benoit Sebille - Responsable de l’unité projets - Rosny-sous-Bois
- Kevin Maïques - ingénieur - Tribu
Ces dernières années, l’intérêt des architectes et des ingénieurs pour des solutions de ventilation naturelle a grandi. Un colloque à ce sujet a pris place à l’INSA Strasbourg début octobre. Ce colloque avait montré qu’il était enrichissant de croiser les regards autour de la thématique de la ventilation naturelle. La présente session prolonge cet effort, afin d’étudier les questions suivantes : La ventilation naturelle est-elle une solution opportune pour du bâti low-tech ? Quels paramètres de conception peuvent permettre de l’envisager ?
La récente pandémie a mis en lumière le besoin de ventiler : hygiène, confort et respect des seuils de particules de CO2 dans les pièces induisent des débits réglementaires. Comment les satisfaire en ventilation naturelle ?
Les expérimentations menées par la Ville de Rosny-sous-Bois avec son bureau d’architecture et son bureau d’études dans ses écoles l’abordent bien. Pour la construction de nouveaux établissements scolaires puis la rénovation d’autres existants, la ventilation naturelle a été systématiquement mise en place. La commande de la maîtrise d’ouvrage s’appuie sur deux volontés : limiter l’empreinte environnementale des opérations, et s’assurer d’un système de ventilation pérenne, à rebours de solutions high-tech dont la maintenance, par de multiples exemples dans des établissements publics, n’est pas toujours effective : machines dégradées faute d’entretien régulier.
En s’affranchissant de la ventilation mécanique, il reste possible de respecter les débits aérauliques réglementaires. D’un point de vue énergétique, la ventilation naturelle présente des intérêts certains en comparaison à de la ventilation mécanique en simple flux : réduction des consommations d’énergie primaire, meilleur confort d’été…
Principe de fonctionnement de la ventilation naturelle
Mathieu le Bourhis de Switch ingénierie et ayant œuvré sur les projets explique les dispositifs mis en place. Le cheminement de l’air se fait par tirage thermique. Des tours à vent prennent place en toiture ou au droit des façades. Cette tour de refoulement crée une dépression dans les espaces ventilés. Il y a moins d’air passant par la gaine d’entrée que par la gaine de refoulement : l’équilibrage se fait par infiltrations. Ce tirage thermique perd en efficacité au-delà d’une température extérieure d’une quinzaine de degrés – heureusement, cela correspond à la plage de températures à partir desquelles il est possible d’aérer une pièce en ouvrant ses fenêtres.
En termes de dimensionnement, la ventilation naturelle demande des gaines de grande section, de l’ordre du demi-mètre de hauteur. Sans assistance mécanique, l’air circule à basse vitesse : sa diffusion nécessite de plus grands volumes avec un minimum de pertes de charge. Quand ils sont mis en œuvre, les systèmes de ventilation naturelle font partie intégrante du bâtiment : les gaines sont faites avec des matériaux de cloisonnement et les additions sont en dur.
La mise en température de l’air insufflé passe par deux phases. Un échangeur de calories entre air neuf et air extrait est envisageable mais demande de la place, puisque croisant plusieurs grandes gaines à un même point. L’air devra souvent être préchauffé une seconde fois avant d’aboutir aux espaces ventilés.
Après plus de 7 ans d’expérimentations autour de la ventilation naturelle, la ville de Rosny-sous-Bois étend ces systèmes à toutes les écoles. Toutefois, l’acceptabilité de l’architecture créée par les tours à vent, notamment, peut questionner. La généralisation de ces dispositifs à d’autres structures publiques reste en suspens.
Benoît Sébille représentant la ville de Rosny-sous-Bois, explique les expérimentations lancées sur des écoles existantes en rejetant les tours en façade dans l’épaisseur de l’isolation en paille des anciennes façades.
D’un point de vue réglementaire et assuranciel, la ventilation naturelle est conforme. Par exemple, la RSDT impose une surface d’ouvertures minimale proportionnelle à la surface intérieure : dans les écoles équipées de ventilation naturelle, ce critère est respecté, assurent Mathieu Le Bourhis et Benoît Sébille. Kevin Maïques abonde dans ce sens, en ajoutant que seuls les logements sont concernés par des réglementations imposant une ventilation mécanique contrôlée.
Les retours sur le confort dans les bâtiments équipés en ventilation naturelle sont mixtes, bien que majoritairement positifs. L’instrumentation des débits d’air en ventilation naturelle a été mise de côté. L’évaluation du confort se focalise sur la mesure de la concentration en particules de CO2 dans les espaces ventilés, qui informent sur la qualité de l’air intérieur. La régulation en ventilation naturelle, permettant d’agir sur ces seuils, mobilise les usagers du bâtiment : aérer quand il le faut, couper le chauffage lorsque les fenêtres sont ouvertes, sont des « bonnes pratiques » qui rendent le confort aéraulique dépendant des comportements
Dans des bâtiments dans lesquels les effectifs varient fréquemment, la transmission des bonnes pratiques est parfois ardue. La signalétique est un vecteur informatif qui a été déployé pour pallier ce problème. Des sondes à particules de CO2 ont été systématiquement implantées dans les classes des écoles équipées de ventilation naturelle.
L’efficacité pédagogique des sondes à CO2 n’est hélas pas toujours probante. Dans de nombreuses classes, les seuils critiques de ppm de CO2 sont rapidement dépassés chaque jour bien que les sondes alertent les usagers.
Le sujet de la responsabilisation de tous les usagers en ventilation naturelle mène la discussion vers le cas de l’école d’Alex porté par nunc et le bureau d’études Ice, membre de nunc ingénierie.
Le projet, une école maternelle et primaire semi-enterrée sur deux niveaux, emploie de la ventilation naturelle et de la ventilation mécanique contrôlée à double flux : cette dernière est allouée aux débits réglementaires « utiles » pour évacuer les odeurs et l’air vicié des locaux d’entretien. Les salles de classe et d’activités ont une solution de ventilation naturelle de premier plan, qui mobilise ses usagers pour l’aération lorsque les seuils de concentration de particules de CO2 y sont dépassés. Cette solution est secondée par une GTC qui ouvre automatiquement des lucarnes lorsque des seuils critiques sont dépassés et qu’aucune initiative manuelle n’y répond. Des systèmes passifs de ventilation naturelle sont sinon implémentés, avec notamment des ouvertures sécurisées intégrées aux menuiseries.
Les ouvertures intégrées dans les menuiseries sont une solution se trouvant aussi dans un projet de ventilation naturelle en tertiaire (programme de bureaux) relaté par Kevin Maïques de Tribu. Dans ce projet, une trame d’ouverture sous menuiserie est allouée par personne. Cette configuration mobilise et responsabilise les usagers du bâtiment. Cette solution de ventilation naturelle individuelle a fait ses preuves : des campagnes de relevés montrent que les températures d’inconfort estival n’ont été que très peu dépassées malgré des chaleurs records.
La dépendance aux bons comportements des usagers sur les performances énergétiques de la ventilation naturelle est devenue le propos au cœur de cet atelier : peut-on compter sur ces bonnes pratiques ?
Trois retours d’expérience sur des établissements scolaires équipés ou non de solutions de ventilation naturelle sont ensuite présentés par Camille Bouchon (Solares Bauen), membre de nunc ingénierie, pour faire la démonstration que la maîtrise d’ouvrage et la gestion de l’aération peuvent être des freins au bon déploiement de la ventilation naturelle. Les retours d’expérience sont inégaux : des projets en ventilation naturelle peuvent être très efficients, tandis que la ventilation naturelle pour d’autres est rendue caduque à cause de comportements inadaptés – aération insuffisante, incompréhension du diptyque chauffage-ventilation pour une consommation d’énergie limitée, indifférence au dépassement des seuils de concentration de particules de CO2...
Les participants de l’atelier ont ensuite échangé à propos de la consommation d’énergie en ventilation naturelle. Comment mettre en place une ventilation naturelle réussie ? Quelques guides, surtout anglais (AM10) peuvent aider à comprendre les phénomènes mécaniques en jeu pour concevoir des tirages thermiques performants.
Enfin, une ventilation naturelle « réussie » est à mettre en perspective avec les autres solutions de ventilation connues. Des projets hybrides peuvent se faire, comme l’illustre Guillaume Renault (Ice) avec des dispositifs de préchauffage de l’air en ventilation naturelle dans une double-peau, couplée à de l’extraction d’air mécanique dans un projet de maison médicale à Saint-Brieuc.
La comparaison entre la ventilation naturelle et la ventilation mécanique double-flux est le dernier sujet de cet atelier : quelle solution consomme le plus d’énergie et pourquoi ? La pertinence de chacune de ces options dans un projet dépend des volontés de la maîtrise d’ouvrage, de l’approvisionnement énergétique à disposition, de l’architecture du projet : performance d’isolation et programme, donc apports internes, mais aussi des possibilités d’investissement : est-on prêt à investir davantage dans une centrale double-flux à l’instant initial, pour consommer moins d’énergie en phase d’exploitation, ou préfère-t-on – ou doit-on – se passer d’un système de ventilation mécanique à l’investissement initial, quitte à consommer davantage d’énergie en exploitation ?
En trame de fond, la position du curseur entre « low-tech » et « high-tech » doit poser question. La nécessité de considérer des solutions si différentes dans le bâtiment est saluée par l’ensemble des intervenants, consensuels sur le besoin de s’interroger sur ces sujets, dans le contexte actuel du monde de la construction, dans lequel tout ou presque est mis à plat…
discussion autour de la table - 18h00-20h00
Se préparer à mieux avec moins
Revisiter la question du confort
invités
- Mathias Bernhardt - architecte co-gérant - BEA
- Mathieu Fortin - programmiste - Tout un programme
- Florian de Pous - Dadour de Pous architectes
- Benoit Sebille - Responsable de l’unité projets - Rosny sous Bois
Dans les projets que nous développons, nous arrivons souvent aux limites de la réduction des consommations énergétiques par la technique seule. La technique elle-même a atteint des niveaux d’excellence indépassable. Pour aller plus loin il reste un curseur sur lequel nous pouvons encore agir, c’est l’usager et les niveaux de confort. Comment par ce biais, répondre à nos besoins avec moins ?
Pour introduire la discussion, Vincent Rey-Millet (Nunc Savoie) nous a présenté un projet singulier : le refuge des Évettes. Les refuges de haute montagne ont longtemps été des lieux de frugalité, dotés de peu de confort vis-à-vis de nos standards.
Situé à 2590m d’altitude dans le cirque des Évettes, à 2h de marche du hameau le plus proche, le bâtiment actuel a été construit en 1970 par l’Atelier d’Architecture en Montagne, en utilisant des dispositifs structurels de Jean Prouvé et Léon Petrov. A la fin des années 60, le club alpin décide de bâtir un refuge moderne de 56 places, gardé en été, et utilisable pour le ski en mi-saison.
Ce refuge est encore en bon état aujourd’hui.
La maçonnerie avec les pierres récupérées de l’ancien chalet-hôtel, détruit pendant la guerre, sert de soubassement au refuge. Un solivage d’IPE 220 vient se poser par-dessus. Un ensemble de poteaux 7x7 en acier galvanisé supporte des éléments préfabriqués formant une nappe tridimensionnelle portée uniquement en périphérie, laissant l’intérieur du refuge libre de tous porteurs. Le remplissage des façades est en panneaux de fibrociment recouvert de gelcoat avec une couche interne de 3cm d’isolant, un véritable confort à l’époque. Ces panneaux sont fixés par un système de clavettes, tout comme le plancher préfabriqué en bois également isolé par une couche de mousse intérieure. Le partitionnement intérieur est fait en panneaux Rousseau, ancêtre du panneau 3 plis. Le bâtiment est donc en éléments préfabriqués, très légers, et montés sur site par seulement quelques rotations d’hélicoptère, à l’exception des rouleaux d’étanchéité, montés à dos d’âne. L’ensemble du chantier a duré 53 jours, dont trois semaines pour monter la charpente tridimensionnelle à trois ouvriers.
Aujourd’hui le bâtiment est menacé de démolition pour laisser place à un refuge neuf plus spacieux et confortable, selon nos standrads actuels. Cela peut s’expliquer par la mutation progressive du public qui se rend à ce refuge, résultant d’une augmentation du tourisme et de l’accessibilité du lieu. Ce bâtiment est devenu une étape, ouvert à une population élargie et en attente d’un confort plus grand que ce que le refuge peut offrir. La demande de public est notamment d’avoir différents types de dortoirs, ainsi que des douches et des sanitaires supplémentaires. Il y a désormais également plusieurs gardiens, qui ont besoin d’un peu plus de confort et d’intimité (autrefois le gardien n’avait pas de local dédié). Le bâtiment nécessite également une adaptation aux normes, notamment en cas d’incendie. Le tout dans un site classé, dans lequel il n’est donc pas autorisé d’augmenter la surface au sol.
Pour un peu de confort supplémentaire dans ce lieu difficile d’accès, il faudra déplacer 550t de matière par hélicoptère, sans compter la dépose de l’existant. L’ensemble nécessitera deux ans de travaux.
Cet exemple est montré en introduction de la discussion, car le projet de 1970 coche beaucoup de cases de nos préoccupations actuelles, peu de matière, structure pensée en parfaite adéquation avec les contraintes de chantier en altitude, assemblage simple nécessitant peu de moyens de mise en oeuvre.
Florian de Pous est ensuite intervenu pour présenter le travail de l’agence Dadour de Pous, architectes sur l’école d’architecture et de paysage de Lille. Ce projet est l’occasion d’interroger notre rapport à l’existant dans les rénovations énergétique, le concours a été lancé dans le cadre du plan de relance.
Le bâtiment existant est une construction de 1977 de Pierre Eldin en concertation avec les étudiants issus des beaux-arts, qui voulaient construire eux-mêmes leur bâtiment. Il est construit en béton et forme une pyramide sur une trame de 4,5m x 4,5 m, les façades sont des panneaux sandwich en béton et isolant, les châssis de vitrage en acier. Les grands ateliers s’organisent autour d’un patio, aujourd’hui transformé en espace intérieur. Le bâtiment a déjà fait l’objet d’une isolation par l’extérieur avec un bardage zinc, et l’idée du concours est de revenir à un aspect plus brut tout en optimisant la performance du bâtiment.
Bien qu’étant un projet de rénovation énergétique, la question des usages est mise au cœur du projet. Des capteurs hygrométriques et thermiques sont placés dans des lieux pertinents pour étalonner les modèles des bureaux d’études et étudier un certain nombre de données : apports solaires, luminosité, besoins de chauffage des locaux. Le projet préconise alors une approche globale, voyant plus loin que le budget et le programme initial, exploitant les qualités du bâtiment initial que les interventions ultérieures ont fait disparaitre. Il propose la végétalisation et l’occupation du toit terrasse, dans une démarche d’expérimentation d’usage et tout en améliorant la thermique. Deux patios bioclimatiques visant à capter l’air et la lumière sont également imaginés. Ces derniers sont couverts d’un système de serres qui créent des espaces tampons non chauffés, accumulant les apports solaires en hiver, mais qui sont ombrés et ventilés naturellement en été.
Le projet, pour des questions de budget, se limite pour l’instant à la création d’une seule de ces deux serres, en réouvrant un patio qui avait été fermé par l’extension de 1993. L’espace créé permet ainsi d’augmenter l’autonomie lumineuse du projet et redéfini les circulations du bâtiment, avec l’ajout d’un escalier entre le rez-de-chaussée et le premier niveau.
Les espaces tampons créés, au confort moindre car non chauffé en hiver, sont des espaces supplémentaires non-demandés au programme. Pour quelques mois d’inconfort- mais est-ce de l’inconfort- en hiver, ce sont d’importantes surfaces offrant de nombreux usages potentiels qui sont créées.
Faire mieux avec moins, c’est donc ici augmenter la capacité d’usage. Le projet met en avant la possibilité d’explorer d’autres critères de confort en passant par l’extension du programme. Dans d’autre bâtiments comme l’école de Nantes ou le FRAC de Dunkerque de lacaton et vassal, on observe que ces zones non-chauffées sont des espaces qui sont investis par les usagers. L’étape d’après serait elle d’inclure cette baisse des exigences de confort dans le programme ?
La discussion se poursuit avec Mathias Bernhardt qui nous présente le concept du 22-26, développé par l’agence Baumschlager Eberle. L’agence réfléchit ses projets selon cinq échelles de temps : 200 ans l’échelle du patrimoine, 100 ans la structure qui peut accueillir de nouveau programme, 50 ans le confort, 20 ans l’aménagement et 10 ans les finitions. Pour moins consommer il faut des bâtiments qui durent plus longtemps, et une structure qui pourra accueillir de nouveaux usages. Il faut aussi prendre en compte l’augmentation des coûts de construction, plus rapide que l’augmentation des revenus.
Dans le Voralberg, le premier 22-26 résulte d’une interrogation : comment écraser les salves d’inconfort sans augmenter la consommation d’énergie ? Le bâtiment fonctionne sans local technique ni VMC, économisant ainsi 30% des dépenses du projet. Pour parvenir à ce résultat, la conception du bâtiment s’appuie sur trois points :
- La structure et l’inertie avec des murs épais de 70cm en brique alvéolaires en double rangs et des enduits permettant une hygrorégulation
- La régulation automatisée du CO2 et de la température sans ventilation mécanique, avec des hauteurs sous plafond permettant un stockage tampon du CO2 qui limite les besoins de renouvellement d’air en hiver.
- L’utilisation des apports solaires
Le concept 22-26 est actuellement étudié pour un bâtiment de logements à Lyon, et le principe est alors confronté au climat et à la législation française. Il permet de respecter la RE2020 jusqu’aux critères de 2031. Même si le bâtiment utilise beaucoup de carbone lors de sa construction, celui-ci est compensé par les dépenses énergétiques très limitées en fonctionnement. Pour la ventilation et le chauffage, en revanche il a fallu soumettre un permis d’innover pour satisfaire à la législation. Un frein subsiste : les jours d’inconfort sur lesquels le promoteur reste ferme, il ne doit y en avoir aucun.
La discussion s’engage alors sur les usagers. Si le bâtiment se passe de système de ventilation, il a fallu ajouter des systèmes pour inciter les usagers à utiliser le bâtiment comme il se doit, afin d’éviter d’avoir des besoins de chauffages ou des surchauffes trop importantes. Un manuel d’utilisation est également prévu ainsi qu’une gestion de la GTB pendant 3 ans. Mais la question de la transmission du fonctionnement du bâtiment à ses usagers reste à régler sur le long terme.
Le public s’interroge également sur l’évolution du concept avec l’augmentation des températures à l’horizon 2050. Pour Mathias Bernhardt, il faudra revoir ce qu’on est capable d’accepter en matière d’inconfort, un sujet actuel au vu des coûts de l’énergie. Il faudra aussi prévoir des dispositifs comme par exemple des dalles actives. La même problématique de confort à redéfinir se fait au niveau de l’acoustique, en particulier pour des bâtiment en centre urbain. Le concept 22-26, en ventilation naturelle et au vu du mode constructif, à une gestion de l’acoustique plus complexe que dans un bâtiment classique, ce qui peut engendrer de l’inconfort.
Benoit Sebille prend le relais avec un retour d’expérience en tant que responsable de l’unité projet à Rosny-sous-bois. « Faire mieux avec moins » est le credo des collectivités territoriales depuis la loi de décentralisation. Rosny-sous-Bois a dû construire beaucoup d’écoles ces dernières années car la démographie s’est emballée, et la ville adopte une stratégie de construire plus pour consommer moins. Le bureau d’architecture de la ville gère ces projets et cherche à réduire l’impact sur l’environnement : en conception par l’innovation et la recherche, en chantier par l’utilisation de matériaux locaux (bois, paille).
La conception des bâtiments de Rosny-sous-Bois se concentre sur une grande inertie thermique et un besoin de ventilation naturelle important. Cependant la ville se retrouve face à des usagers qui ont du mal à vivre la baisse du confort : lorsque les bâtiments descendent sous 20°C par exemple. Pourtant la question de l’éducation est au centre des réflexions même sur ces questions thermiques : l’usage de poêles à bois permet de montrer aux enfants que l’énergie vient de quelque part, on pourrait imaginer commencer la journée par du sport pour avoir de nombreux apports internes… A cela s’ajoute la diversité des usagers, les enseignants et directeurs changeant régulièrement d’établissement. Il en découle l’obligation de faire des volumes de classes très sobres et d’induire le moins possible un mode d’usage prédéfini.
La discussion continue sur l’idée de mutualisation des espaces. Que faire de ces espaces d’écoles qui sont souvent vide ? En dehors de quelques mutualisations possibles entre scolaire (Education Nationale) et périscolaire (municipalité) il est souvent compliqué de permettre à plusieurs entités d’utiliser les espaces scolaires. Tant d’un point de vue administratif que pratique : la mutualisation pose des problèmes de sécurité incendie, de gardiennage, d’aménagement de l’espace... Il reste cependant possible d’imaginer des mutualisations d’espaces à la marge, comme les cantines occupées 4% du temps qui pourraient profiter à des structures adjacentes, dont les horaires d’occupation n’interfèrent pas avec les écoles.
Mathieu Fortin observe que tous les exemples présentés montrent qu’il existe des forces vives prêtes à faire mieux avec moins, mais la question de vivre mieux avec moins reste ouverte. Comme plusieurs fois dans la soirée, la place de l’usager revient dans la discussion. On constate souvent que les usagers ne font pas des usages économes des bâtiments. De même l’information se perd entre les strates du projet par un manque d’implication parfois généralisé. Malgré les efforts de transmissions des connaissances, de sensibilisations et de conceptions abouties de bâtiments bioclimatiques, il y a une perte de bon sens d’usagers habitués à un confort et une énergie gratuite. Faire avec plus de simplicité, avec moins de moyen, nécessite de resensibiliser les citoyens.
Suite à ce constat, un court débat avec le public s’est instauré sur le rapport entre le « plaisir d’usage » et la diminution de ce dernier au profit d’un bâtiment économe et performant. Jusqu’où la performance prend elle le dessus sur notre métier d’architecte ? Les enjeux de notre métier aujourd’hui sont sans doute de rendre le tout équilibré. Mais le modèle hyperspécialisé de chaque individu dans la société rend les échanges compliqués : il est difficile d’expliquer les raisons des choix architecturaux et techniques à chacun.
En conclusion des échanges, et pour revenir sur l’idée de revisiter notre confort, les dernières discussions tournent autour des idées d’inconfort subit et d’inconfort choisi. Lorsque l’on est en vacances, nous acceptons plus facilement les inconforts. Cela s’explique sans doute par le changement de rythme, que nous maîtrisons plus facilement lors de nos congés. Mais dans la vie quotidienne l’inconfort est subit, et nous n’avons pas encore suffisamment cette conscience citoyenne qui nous permettrait de redéfinir les marges de notre confort.
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